On les voit se multiplier dans nos bureaux : les casques et écouteurs audio sont désormais devenus la bouée de sauvetage de nombreux naufragés de l’open-space.
Derrière tout cela se cachent plusieurs tendances. La première, c’est la généralisation des smartphones et des services de streaming musicaux. La seconde, c’est l’arrivée de la génération Y dans le monde du travail, génération connectée et qui semble bien moins dérangée par la distraction musicale. Enfin et surtout, il y a la généralisation des bureaux ouverts, dont la mauvaise conception expose ses occupants à des niveaux sonores élevés. Ces malheureux de l’open space se retournent alors vers la musique pour masquer ces nuisances et pour pouvoir (enfin) se concentrer.
Au bureau, je suis dans un open-space. Alors pour garder un espace, mental du moins, tout en restant disponible, je mets un casque.
— Porte-sac fantaisie (@_Gourgandine_) 6 mai 2015
C’est une question que beaucoup se sont déjà posés : est-ce une fausse bonne solution ? La réponse n’est pas si évidente.
Quand c’est tout le temps…
Si les occupants des bureaux utilisent leurs casques continuellement, autant se dire que la situation est grave ! Il est alors important d’analyser l’environnement de travail et de comprendre pourquoi celui-ci ne permet pas à ceux qui l’occupent de réaliser leurs taches correctement. En d’autres termes : pourquoi est-ce que ce bureau est si bruyant ? Est-il suffisamment équipé d’éléments acoustiques (au plafond, au mur, ou même sur pieds) permettant de réduire le niveau sonore et la propagation des sons ? Est-il correctement aménagé, c’est-à-dire compte-tenu des activités qui se font mais aussi des personnes qui l’occupent ?
L’open space c’est bien pour bosser en équipe, mais t’as besoin d’un bon casque pour les moments de concentration ! #batRTBF
— François Jadoulle (@FJadoulle) 18 février 2015
Dans de tels cas extrêmes, l’utilisation d’un casque audio est un moyen de « survie » et indique qu’il est indispensable de passer à l’action. Le bien-être des occupants des bureaux est nécessairement compromis, car ils sont soit exposés à des niveaux sonores élevés au bureau (avec fatigue et stress en résultante) ou alors l’usage prolongé de leurs casques risquent d’endommager leur audition sur le long terme. Et pour l’entreprise, un tel environnement de travail ne peut qu’affecter la performance de ses collaborateurs, et donc leur productivité. Régler ce problème une bonne fois pour toute ferait donc du bien aux employés et à l’entreprise : qu’attendre de plus pour passer à l’action ?
Et un usage occasionnel ?
Maintenant, intéressons-nous aux cas occasionnels où certains d’entre nous se tournent vers la musique pour pouvoir réaliser certaines tâches. Une pratique qui n’est pas toujours bien perçue par le management et les collègues voisins. Faut-il donc encourager ou bannir nos casques de l’open space ?
Rappelons tout d’abord que c’est un usage prolongé de ces casques à des niveaux sonores élevés qui fragilise notre audition. Dans le cas où l’environnement acoustique des bureaux est de qualité suffisante (avec donc peu de bruit de fond), le volume de la musique ne représente pas de danger particulier.
heureux de devoir travailler avec un casque anti-bruit parce qu’un “open space c’est meilleurs pour la communication”.
— Sylvain Barbot (@crusty91) 27 mars 2013
On peut toutefois se demander : pourquoi écouter de la musique puisqu’il y a peu de bruit dans le bureau ? Tout simplement parce que la musique peut avoir un effet positif sur notre performance, selon notre personnalité et le type de tâche que nous avons à réaliser.
Quand c’est simple…
Pour la réalisation des tâches les plus simples, les études ont montré que les profils les plus extravertis avaient besoin d’une stimulation supplémentaire pour les réaliser correctement (c’est la théorie de l’éveil, ou arousal theory). La musique peut alors jouer ce rôle de stimulant, de source de motivation, et ne compromettra pas notre performance, bien au contraire ! Quant aux profils plus introvertis, même s’ils craignent les sources de supplémentaires de stimulation (ils sont naturellement assez éveillés), la simplicité de la tâche sera telle qu’ils ne seront pas nécessairement perturbés par la musique.
A travers les open-space du monde entier, des milliers de casque audio sont posé sur des oreilles à cet instant précis.
— Pascal (@smashingpenguin) 28 novembre 2014
Ainsi, on aurait tout intérêt à encourager les extrovertis à sortir leurs écouteurs pour les aider à réaliser au mieux les tâches les plus routinières !
Quand ça se complique…
De nombreuses études ont été réalisées afin de comprendre l’impact de la musique sur notre performance lorsque l’on réalise des tâches complexes, selon notre personnalité. Les Britanniques Furnham et Bradley (1997) ont atteint la conclusion suivante :
« Il semble y avoir peu de preuve qu’une distraction de fond [comme la musique] puisse améliorer la performance dans la réalisation de tâches cognitives complexes, même pour les extrovertis, tandis qu’il semble évident qu’elle impacte négativement presque systématiquement la performance des introvertis. »
Alors que la musique serait à coup sûr un frein pour les profils les plus introvertis, elle pourrait être bénéfique (ou au pire des cas, seulement sans effet) sur les extravertis.
La principale leçon à tirer de cela, c’est qu’il faut absolument éviter de diffuser de la musique dans l’ensemble du bureau, comme certains seraient tentés de le faire pour masquer le bruit de fond, puisqu’elle serait une véritable gêne supplémentaire pour les profils les plus introvertis du bureau.
Quand il faut être créatif…
C’est une étude de Chamorro-Premuzic et al. (2009) qui nous éclaire sur le rôle de la musique pour la réalisation des tâches créatives, qui deviennent de plus en plus importantes dans nos bureaux. Leur étude a montré que les personnalités extraverties voyaient leur performance s’envoler en présence de musique lorsqu’ils sont amenés à réaliser des tâches créatives. Les introvertis, qui sont de toute façon des profils bien moins créatifs, voient leur performance baisser lorsqu’il y a de la musique.
Casque sur mes oreilles je me plonge dans ma bulle loin des bruits de l open space et de la country à fond! #work
— SaanKukai (@SaanyaMerry) 30 octobre 2012
Que faut-il écouter ?
La musique un bureau peut donc être un booster de performance pour les collaborateurs les plus extravertis : il est donc important de ne pas la bannir, tout en veillant à ce que certains ne se retrouvent pas non plus à passer la journée entière avec leur casque, au risque de freiner la collaboration au sein du bureau.
Concernant ce qu’il faut écouter, il n’y a pas de recette miracle, chaque personne saura sélectionner le contenu qui la stimulera au mieux. Toutefois, Furnham, Trew et Sneade (1999) ont montré que la musique avec des paroles était davantage susceptible d’être perçue comme une distraction que de la musique instrumentale. Une partie de notre cerveau va être mobilisée pour « analyser » le contenu des paroles (en particulier si nous ne connaissons pas le morceau), et cette partie de notre cerveau ne servira donc pas à réaliser correctement nos tâches ! On peut ainsi déconseiller d’écouter au bureau l’album qui vient de sortir ou bien des émissions de radios, et plutôt de privilégier les musiques que l’on connait déjà bien et la musique instrumentale.
Là dans mon casque, en scred dans l’open space, j’écoute du Chimène Badi. Mais chuuuut.
— Julie Dessagne (@juliedessagne) 18 juin 2014